Du regard naif au regard analytique
Nous possédons donc un “regard signifiant” (voir le post d’hier) qui, lorsque nous le convoquons en dessinant, traduit notre sujet de manière naïve et enfantine, puisqu’il fait appel à des caractéristiques générales et des formes stéréotypées comme des pictogrammes ou des symboles.
Mais si nous souhaitons être “réaliste” (grosse catégorie comportant plein de sous-catégories) nous cherchons à traduire notre sujet de manière à ce que le dessin ressemble à ce que nous voyons. Qu’il en propose une sorte d’illusion.
Traduire la réalité : un changement de paradigme
Si le dessin “signifiant” traduit un concept : “un bonhomme”,
le dessin réaliste lui traduit la réalité du sujet telle qu’elle est vue par le dessinateur : “Alfred assis de profil vu en contre-plongée”.
Ce n’est pas “un bonhomme” que nous devons dessiner, c’est cet homme-là, vu depuis cet angle-là, sous cette lumière-là, à cette distance-là.
Il s’agit donc de traduire le plus fidèlement possible les formes spécifiques du sujet plutôt que de simplement en repérer les détails signifiants.
Cela va totalement à l’encontre de ce que nous avons appris à faire depuis la naissance. C’est un changement de paradigme.
Le système de pictogrammes que nous avons enregistré grâce au regard signifiant est toutefois d’une puissance incroyable. Il est profondément ancré dans notre organisme, par des milliards d’années d’évolution et toutes les années d’expérience que nous avons engrangées. Et il rejaillit en permanence malgré notre souhait d’être réaliste.
Nous rabattons tout de face, nous allongeons les raccourcis, nous utilisons des formes toutes faites au lieu de traduire les formes du sujet.
Changer de regard : du sens à la géométrie
L'antidote au regard signifiant
Il va falloir une antidote redoutable pour mettre ce système en sourdine le temps du dessin.
Il nous faut un système puissant et parfaitement logique pour le contre-carrer.
La géométrie : L'outil clé pour progresser en dessin réaliste
Le seul système suffisamment puissant pour dépasser le système du pictogramme, c’est la géométrie.
La géométrie, c’est logique, c’est infaillible, c’est tangible et ça s’apprend.
Entendez-moi bien : il n’y en a pas d’autre. Si vous voulez apprendre à dessiner de manière réaliste, il va falloir vous y mettre.
Maintenant je sais bien que c’est un mot qui fait peur. J’ai été moi-même pas mal traumatisée par la géométrie à l’école.
Il fallait que ce soit propre, minutieux et tiré avec des lignes droites. L’exact opposé de mon tempérament.
Une géométrie accessible à tous
Rassurez-vous, la géométrie en fait, c’est très simple, surtout quand on oublie deux secondes les cours de maths du collège.
La géométrie du dessinateur est empirique, elle se cherche progressivement, elle utilise autant des formes brouillonnes que des lignes droites.
Ce sont les outils de la géométrie qui permettent au dessinateur d’analyser les formes de son sujet et de développer ce fameux « regard analytique ».
Changer de mots pour changer de regard
On ne regarde pas sans penser. On ne pense pas sans mots.
Pour changer son regard, il suffit de changer de mots.
Regarder son sujet de manière analytique, c’est tout simplement le regarder avec le vocabulaire de la géométrie.
C’est quitter le langage du signifiant : œil, iris, pupille, pour endosser le langage de la forme : carré, rond, pointu, penché, petit, plus grand que, plus à droite que.
C’est en vous éloignant de ce que votre sujet représente, en oubliant ce qu’il est sur le plan du signifiant, en vous branchant sur un langage géométrique, que vous vous garantissez de traduire la réalité des formes de votre sujet.
Lucian Freud disait : “Plus on regarde son sujet, plus il devient abstrait et ironiquement, plus il devient réel”.
Cette phrase résume cela à la perfection, même si au premier abord, elle peut sembler bien énigmatique.
Des outils concrets pour développer le regard analytique
Bien sûr, il y a des outils encore plus concrets que cette astuce de langage que je viens de vous donner.
Il ya des questions à se poser dans le bon ordre, une méthode à suivre pour ne pas se perdre.
C’est d’ailleurs le programme des 10 premiers épisodes de notre formation du Fil d’Ariane.
Mais pour développer un regard analytique, commencez déjà, seul, par changer de vocabulaire. Vous n’imaginez pas les progrès qui en résulteront !
Le regard analytique, une étape vers d'autres perspectives
Regard signifiant, regard analytique… et c’est tout ? Non, heureusement, ce n’est pas tout ! Sinon, nous dessinerions tous à peu près de la même manière, détachés, froids et logiques. Le dessin, c’est beaucoup plus que ça.
Une fois que le dessinateur a développé un regard analytique, il peut développer d’autres regards : le regard expressif et le regard poétique. J’en parlerai dans mes prochains posts 😊
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