Apprivoiser l'Imperfection pour progresser en dessin
vos dessins sont râtés ?
Et si c’était parce que vous dessinez trop propre…
Pour traduire fidèlement les proportions de son sujet, il s’agit de l’observer attentivement, de prendre le temps de le découvrir et de l’analyser.
Au lieu d’essayer d’attraper son sujet avec une ligne de contour crispée qui empêche toute vue d’ensemble, il s’agit de l’apprivoiser en partant d’une simple hypothèse, puis d’étayer et enrichir cette hypothèse, regard après regard, jusqu’à ce que le sujet soit « compris ».
Bien dessiner d’observation, c’est donc, avant d’être une compétence, un état d’esprit !
Celui d’accepter d’enquêter et de résister à l’envie de tirer des conclusions hâtives.
Un travail de recherche frustrant et peu séduisant pour les dessinateurs débutants
Vous détestez ces lignes fausses qui, gravées sur le papier, vous narguent et afficheraient aux yeux de tous les preuves de votre incompétence.
la petite vidéo qui suit est la deuxième partie du premier cours de notre formation sur la construction.
Elle vous aidera, je l’espère, à accepter et même à aimer ce tâtonnement qui est la condition de toute œuvre aboutie.
dessiner c'est chercher
Parce que dessiner, c’est enquêter, le dessin s’élabore progressivement en une succession de passages, de strates.
Et une œuvre, c’est donc la somme de toutes les traces qui ont permis de le faire apparaître.
Et ce n’est pas un contour parfait sorti ex nihilo.
Le dessin, c’est donc un processus qui se déroule dans la durée.
Évidemment, plus le dessinateur a de temps, plus il précise son projet, mais le dessin est toujours cohérent.
Que ce soit un croquis ou une étude extrêmement poussée. à chaque fois, le dessinateur part d’une hypothèse, qu’il étaye d’autres hypothèses, de plus en plus précisément, jusqu’à ce qu’il décide lui que l’œuvre est terminée.
progresser en dessin en le faisant advenir
Parce que le dessin est toujours en train d’apparaître, il est toujours cohérent dans l’état dans lequel il est, et il n’est jamais définitivement fixé.
Et le dessin final porte en lui, de manière visible ici, toutes les étapes qui ont contribué à le réaliser.
Et ça, le fait que le dessin porte en lui toutes les étapes de sa réalisation, c’est la grande singularité du dessin par rapport à d’autres pratiques artistiques.
Parce que si on pense à la musique, à la danse, au théâtre ou à la littérature, il y a une vraie différence entre l’œuvre aboutie : Le spectacle auquel on assiste, le roman publié que l’on achète et qu’on lit et toutes les étapes préparatoires.
On n’assiste pas aux répétitions du musicien quand il déchiffre sa partition pour la première fois.
Et on ne doit pas non plus lire tous les manuscrits qui ont permis l’aboutissement d’un roman.
Cette particularité du dessin est une immense chance, mais parfois ça peut aussi être vécu un peu comme une malédiction.
Les opportunités du brouillon
C’est une immense chance parce que, qu’ on dessine en quelques minutes, en plusieurs heures ou en plusieurs mois, le dessin se tient toujours en tant qu’œuvre.
Ce qui fait qu’on peut se régaler d’esquisses et d’ébauches !
Et un artiste peut montrer tout son travail.
S’il expose son travail, il peut montrer différentes œuvres à différents états de réalisation, ce qui n’est pas le cas d’un écrivain qui doit attendre deux ans avant de pouvoir faire profiter aux autres de son travail
C’est une immense chance aussi parce que pour nous qui apprenons, sur le plan pédagogique c’est formidable ! En regardant un dessin on peut comprendre comment il a été fait.
En regardant un dessin on le voit en train de se faire
On peut voir les traces de construction, la pose des valeurs, on peut voir le geste, et chaque étape vient soutenir celle qui lui succède.
Quel que soit le moment où on arrête le dessin, il se tient !
Mais on peut aussi comparer différentes œuvres d’un même artiste ou même de plusieurs artistes et comprendre ce processus d’étape.
Le stress du dessinateur débutant face au brouillon
Mais peut aussi être vécu comme une sorte de malédiction surtout pour le dessinateur qui débute parce qu’ il projette un résultat abouti. Et il n’a pas forcément envie de montrer toutes les phrases de déchiffrage, le côté un peu brouillon de son dessin.
Il est très important de se rendre compte que ces recherches sont déjà du dessin.
On peut avoir l’impression que c’est un brouillon, que c’est inachevé, que ce n’est pas bon.
Non seulement il va falloir changer l’état d’esprit par rapport à ces dessins qu’on estime être inachevés, qui sont en fait achevés mais qui sont simplement à un état d’apparition rapide.
Mais en plus de ça, concrètement, on ne peut pas imaginer réaliser des oeuvres poussées et abouties sans passer par ce travail de déchiffrage.
C’est impossible.
Pour pouvoir réaliser une oeuvre ambitieuse et précise, il faut faire ce travail préparatoire.
Tout artiste fait un travail préparatoire.
Pas d'oeuvre aboutie sans recherche
Et si on repense à ce magnifique portrait que Ingres a réalisé de la Belle Ferronnière d’après Vinci, bon c’est un portrait, c’est typiquement un dessin poussé et détaillé.
C’est un dessin très parfait au niveau de la technicité.
Mais lui aussi, bien sûr, a connu des phases de déchiffrage et porte en lui les étapes qui ont mené à son aboutissement.
Simplement, toutes ces étapes préparatoires sont légères et discrètes ici, elles sont à peine visibles sous l’œuvre finie.
Et d’ailleurs Ingres disait que le crayon doit avoir sur le papier la même délicatesse que la mouche qui erre sur une vitre.
Pour pouvoir produire ce dessin hyper précis, Ingres a pris le temps de le monter d’hypothèse en hypothèse. Et si on n’a pas de croquis préparatoires pour la belle Ferroniaire, on en a d’autres…
Et dans ce dessin-là, qui n’est pas si léger que ça d’ailleurs, parce qu’un artiste quand il sait qu’il veut faire un dessin très précis et minutieux, il va vraiment se concentrer pour être extrêmement léger. Mais quand il sait qu’il ne s’agit que d’une étude rapide qu’il ne va pas pousser au delà de 10-15 minutes, il peut se permettre d’être un peu plus vif. Donc ce dessin là n’est pas si léger que ça.
En tout cas on voit dans ce dessin tout le processus de fabrication de Ingres.
C’est à dire que c’est une approche grossière de la forme.
Une pratique artistique est une pratique de recherche et d'appropriation
C’est un dessin où il prend la mesure de sa forme dans son ensemble.
Il survole.
Il a un regard qui n’est pas du tout un regard de détail, qui est un regard plutôt géométrique.
Quand on regarde la forme du châle, la forme de la tête, des cheveux, c’est une analyse géométrique de la forme
Il apprivoise sa forme progressivement avec un geste très rapide et pas du tout un geste précis et minutieux.
Qu’est-ce qu’on voit d’autre ?
Des mains à peine compréhensibles, juste des proportions de mains, une espèce de pince de crabe!
En tout cas, sans cette première visite rapide et grossière de la forme, aucun détail ne pourrait être placé au bon endroit.
Alors avant qu’on passe à la suite, posez-vous la question :
Est-ce que quand vous dessinez, vous prenez le temps de déchiffrer votre sujet ?
ou est-ce que vous êtes tout de suite focalisé sur le beau rendu fini ?
Et une autre question :
Est-ce que vous pensez vraiment qu’on puisse faire un beau rendu fini sans accepter de passer par une phase préparatoire de déchiffrage ?
On pourrait même ajouter, est-ce que vous pensez qu’on peut progresser en dessin au point de devenir un virtuose qui construit nickel dès les premiers traits, si d’abord on n’a pas répété ses gammes ?
Savoir faire et expression
Au-delà même de la virtuosité technique, replaçons-nous dans ce que c’est que l’art.
Une pratique artistique comporte du savoir-faire, mais elle n’est pas réduite au savoir-faire.
C’est aussi l’expression de votre personnalité.
Chercher, brouillonner, déchiffrer… demande plus de réflexion, d’investissement personnel et de labeur que de faire du par cœur comme on peut le voir sur certains tutos à recopier.
Bien sûr que c’est plus facile et moins prise de tête de faire exactement le même dessin que le prof dans le style du prof.
Mais l’avantage de la recherche, c’est qu’en apprivoisant les outils du dessin, vous vous les appropriez, ça devient votre recherche, votre pratique artistique.
Et en plus ce chemin-là de recherche et d’apprentissage, il est in fine largement aussi satisfaisant et passionnant que la simple satisfaction de trouver en faisant un beau dessin.
Quand vous faites une randonnée , la satisfaction et le bonheur que vous en tirez ne se réduisent pas au simple fait d’atteindre la destination prévue.
Le chemin lui-même qui est exaltant, les découvertes, les prises de conscience, les trésors qui se cachent derrière les imprévus même parfois. Les compagnons de voyage aussi !
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