Le paysagiste devant la nature : un manuel de dessin de Ernest Victor Hareux
« Quelle est la meilleure marche à suivre pour progresser; doit-on commencer par s’essayer à l’interprétation d’un paysage au moyen de l’aquarelle ou de la peinture à l’huile? Est-il préférable de peindre au pastel? Enfin, faut-il réellement se résigner à l’élude du dessin qui a si peu d’attrait pour les débutants? »
Dans le monde du dessin et de la peinture, rares sont les manuels aussi riches, pertinents et méthodiques que Le Paysagiste devant la Nature d’Ernest Hareux.
Plus qu’un simple guide technique, ce livre publié au début du XXème siècle est un véritable manifeste sur l’attitude à adopter face à la nature quand on souhaite la dessiner ou la peindre.
Voici ce qu’il faut en retenir.
Dessiner avant de peindre : Pour une éducation du regard
Pour Ernest Hareux, tout commence par le dessin, et notamment par le dessin au fusain.
Non pas pour le plaisir de copier fidèlement, mais pour apprendre à voir.
Le fusain est recommandé car il permet les retouches, les erreurs et les reprises.
C’est un médium indulgent et formateur, qui aide à comprendre les valeurs : ces nuances de clair et de foncé qui donnent la profondeur et la structure à une image.
mais au-delà de la technique, il défend un apprentissage joyeux et passionnant du dessin :
« Le dessin n’est pas seulement […] la probité de l’art ; c’est avant tout un très grand divertissement. »
Chez un autre atelier, cette éducation du regard et ce plaisir du dessin nous les défendons et les promouvons farouchement.
Nous commençons également notre chapitre de formation sur les valeurs par le fusain.
Pour les mêmes exactes raisons que Hareux mais aussi parce que ce n’est pas un médium très précis, ce qui permet au débutant de lâcher le détail pour s’intéresser à l’ensemble.
Un apprentissage du dessin et de la peinture dans le bon ordre !
L’auteur préconise une progression claire :
Le fusain – pour apprendre les valeurs et les masses et lâcher le détail.
Le crayon – pour affiner le trait et explorer la perspective.
Le pastel – transition idéale entre le dessin et la couleur.
La peinture à l’huile (pochades) – pour s’initier à la composition colorée.
L’aquarelle – aboutissement du parcours, mais aussi la technique la plus difficile.
Cette hiérarchie contredit l’enthousiasme spontané de beaucoup d’amateurs pour l’aquarelle.
Hareux prévient : sans un solide bagage en dessin, l’aquarelle mène bien plus vite à la frustration qu’au plaisir.
Le regard du paysagiste : simplifier pour comprendre
Être paysagiste, c’est avant tout savoir interpréter la nature.
Il ne s’agit pas de copier chaque feuille, chaque pierre, mais de saisir l’essentiel : les grandes masses, les plans successifs, les valeurs relatives, l’effet général.
« Ce qu’il faut chercher à rendre, c’est l’impression et le caractère d’un paysage, deux choses que la photographie interdit et déforme comme à plaisir. »
Le croquis d’effet, la synthèse, le sacrifice des détails inutiles sont donc les armes du vrai paysagiste.
Un bon dessin n’est pas nécessairement un dessin « fini », mais un dessin qui exprime avec justesse une vision.
La lumière, les valeurs, l’enveloppe
Parmi les notions fondamentales, Hareux insiste sur :
Le rayonnement de la lumière : autour d’une lumière, il ne doit y avoir que de la lumière.
L’enveloppe : chaque objet dans un paysage ne se découpe pas brutalement, il est baigné dans l’air et la lumière ambiants.
Les valeurs : il ne doit y avoir qu’un seul noir extrême et un seul blanc pur dans une image. Tout le reste est jeu de transitions.
Le rôle de la compréhension et le danger des « trucs »
Hareux fustige les « trucs » et les recettes toutes faites.
Il ne croit pas aux effets faciles ni à l’habileté tape-à-l’œil.
Le métier doit toujours venir après la compréhension jamais l’inverse.
Savoir faire un ciel bien lavé à l’aquarelle ne suffit pas si l’on ne comprend pas la perspective atmosphérique ou les rapports de valeur.
« L’art ne peut être récréatif que s’il est pris au sérieux. »
Chez un autre atelier, nous croyons également dans le principe de compréhension, surtout lorsqu’il s’agit d’élèves adultes. Pour ces raisons, tous nos cours sont organisés autour d’une théorie claire et illustrée.
Étudier d’après nature, mais réfléchir en atelier
Autre idée forte de Hareux: on étudie dehors, mais on compose dedans.
Devant le motif, on récolte des impressions, des esquisses et des notes.
Dans le silence de l’atelier, on transforme cela en œuvre en y apportant de l’équilibre et de la narration.
Hareux évoque Corot, Daubigny, Millet : tous ont travaillé ainsi.
La forme des arbres : un exercice central
Savoir dessiner un arbre, c’est savoir tout dessiner.
C’est l’exercice par excellence du paysagiste.
Il oblige à observer la structure, les attaches des branches, les masses de feuillage, le balancement des lignes…
L’arbre devient une synthèse vivante entre forme et valeur.
Outils, matériaux et méthodes pratiques
L’ouvrage est aussi un guide très concret.
On y trouve des conseils sur :
l’outillage du paysagiste de plein air,
le choix des papiers, fusains, crayons, fixatifs,
les méthodes pour tendre un papier,
les procédés pour varier l’exécution selon les effets recherchés (effets de nuit, contre-jour, neige, reflets…),
les techniques pour chaque médium.
Le pastel, par exemple, y est présenté comme une technique d’avenir, à condition d’être maîtrisée avec discernement.
L’aquarelle, quant à elle, demande science et sobriété.
Un art de vivre, pas seulement un art de peindre
En filigrane, ce livre nous parle d’un art de vivre devant la nature. Être paysagiste, c’est sortir, regarder, s’installer, s’adapter à la lumière, aux saisons, au vent, au passage des heures. C’est apprendre la patience, l’observation, la concentration.
C’est être à la fois technicien et poète.
Conclusion
Le Paysagiste devant la Nature d’Ernest Hareux n’est pas un manuel de recettes : c’est une école du regard, de la rigueur et de la sensibilité.
Il enseigne à celui qui veut apprendre non seulement comment représenter la nature, mais surtout comment la comprendre et l’aimer.
À tous les amateurs de dessin qui se sentent un peu perdus devant la diversité des techniques, qui hésitent entre pastel, aquarelle ou huile, ce livre donne une boussole simple : commencez par le dessin, apprenez à voir, et le reste viendra.
NB : ce manuel a été déniché par Réjane, membre d’un autre atelier et bloggeuse sur galerie Smaragdine.
Cet article a été rédigé et illustré par un autre atelier
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