Faut-il tout contrôler pour mieux dessiner ?

Maîtrise mieux dessiner

On peut penser que le bon dessinateur est celui qui « maîtrise » c’est à dire qu’il est en contrôle de ce qu’il fait et que c’est sa capacité à  contrôler qui lui permet de mieux dessiner.

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’un retour aux sources du dessin, d’un changement de regard qui pourrait bien libérer votre pratique.

🎨 L’histoire d’un artiste qui ne veut plus prouver qu’il en est un.

Il y a quelques jours, je suis allé à Bordeaux rendre visite à un ami artiste, pour préparer une vidéo à paraitre sur YouTube.

Pascal Pillard, 52 ans, a déjà une belle carrière derrière lui, une technique maîtrisée et une identité bien campée.

Mais voilà : la rencontre d’un medium d’origine 100% naturelle, a changé sa manière de dessiner, et surtout modifié profondément la manière dont il se projette dans le dessin.

En effet, il ne cherche plus à produire quelque chose de “bien”, pas plus qu’il ne fera ce qu’on attend de lui 😝
Pour un artiste qui vit de son travail, c’est un sacré risque mais il n’a plus le choix.

Voyez plutôt ce qu’il dit:

“ quand j’ai commencé à me servir de ce médium, ça m’a échappé complètement parce que j’avais soudain affaire à un matériau vivant. Je me suis dit: c’est terrible, moi qui ai passé ma vie à représenter le vivant, je me retrouve avec un médium qui me remet à ma place. D’un seul coup, au lieu de représenter le vivant, j’accompagnais un processus vivant… Et c’est un terrain de jeu formidable.”
 

contrôler dessiner

vue de l’atelier de Pascal Pillard

Débarrassé des attentes et de la pression d’un résultat trop consciemment recherché, il dessine plus que jamais mais, surtout, il a la sensation d’être à sa place.

“Je ne m’étais plus autant amusé depuis que j’étais gosse”

Ça m’a fait réfléchir…

 

🤔 Pourquoi avons-nous tant de mal à lâcher prise ?

Si vous êtes ici, c’est que vous voulez apprendre à bien dessiner, comprendre les formes, maîtriser la lumière, rendre votre trait plus sûr…

Alors pourquoi je vous parle de retrouver l’enfance du dessin ?

Après tout, éduquer son dessin c’est suivre la voie qui mène de l’autre côté, celui du savoir, de la maîtrise et de la maturité…

Mais la plupart des artistes sont prisonniers d’un grand malentendu :

👉 Croire que plus on contrôle, mieux on dessine.

Or, en cherchant exclusivement à structurer, à corriger et à « faire correctement”, on suspend sa pratique à des attentes qui éloignent l’essentiel et polluent la source.

Sans une expérience sensible et intime votre pratique n’est qu’une suite de figures imposées

🎨 Picasso, Fred Deux: les grands enfants

On pourrait croire que les plus grands artistes sont ceux qui ont touché le Graal de la maîtrise, mais ce n’est pas si simple.

Picasso disait :

« J’ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant. »


Autrement dit, il faut une vie de travail pour se débarrasser de
l’éducation et des attentes culturelles qui nous éloignent du dessin premier, propre aux enfants.

Le gamin, il trace avant de juger et expérimente avant de corriger.

Vous souvenez-vous?

Il vous suffit de fermer les yeux pour vous reconnecter aux incroyables sensations que vous éprouviez, enfant, lorsque vous vous abandonniez aux délices du dessin.

Quelle activité captivante! Dessiner partout, sur le sol, sur les murs… au risque de faire enrager les adultes. Dessiner avec tout ce qui tombe sous la main…

Aaah! la sensation exquise d’un stylo bille qui glisse sur une boite de Nesquick jaune ! 🌈

C’est une expérimentation du monde à partir des matériaux qu’il place sur votre route.

Ah, on est bien loin de l’univers bien ordonné du marchand de fournitures beaux-arts, dans lequel chaque outil est verrouillé à son usage.

Un monde convenable, fait de règles fixées à l’avance🫡

Mais dessiner c’est bien autre chose:

Fred Deux, voyait cet acte comme une spéléologie intérieure, une descente dans son propre inconscient, sans attente de résultat.

 

contrôler dessiner

Comme tant d’autres, ces artistes avaient une maîtrise technique immense, mais ils cherchaient autre chose : une forme de disponibilité, une sincérité brute.

Les anciens appelaient ça l’honnêteté.

 

🖐 L’art rupestre : retour aux sources du dessin

Et si l’on remontait encore plus loin ?

Avant les académies, avant les écoles, avant même l’écriture… Il y avait l’art rupestre.

Des silhouettes d’animaux tracées d’un seul geste sur la paroi d’une grotte. Des empreintes de mains soufflées à la poudre d’ocre.

Des formes simples, directes, puissantes en prise avec la surface sur laquelle elle prennent vie, un art de la présence.

 

Mammouth – Grotte de Pech-Merle – Lot

C’est là que le parallèle devient intéressant :

🔸 Le support : Les parois rocheuses, rugueuses, dictaient la forme.
Comme ces enfants qui dessinent sur les murs, dans la marge de leurs cahiers, partout où l’espace appelle le geste.

🔸 Le médium : Ocre, charbon, suie.
Ce qui est disponible, ce qui fait trace. Pas d’outils sophistiqués, juste l’essentiel.

🔸 Le geste : Ample, spontané.
Ce n’est pas un poignet crispé sur un crayon, mais un corps entier qui s’exprime.

Ce n’est pas un hasard si, à mesure que l’on a découvert, l’art rupestre a inspiré les artistes…

Picasso, Soulage ou encore Barceló rêvaient d’investir une grotte.

D’autres l’ont fait 😜

Ça s’est passé en 2022 et c’était une première…

 

7 auteurs de BD dans une grotte

En 2022 donc, 7 auteurs de bande dessinée ont été autorisés à dessiner dans une grotte près de Pech Merle.

On leur a confié les lieux pendant 10 jours durant lesquels ils ont abandonné leur matériel habituel pour se confronter aux conditions des premiers artistes.

Le résultat ?

Confronté à un environnement dans lequel les usages induits par la culture et le matériel n’avaient plus cours, ils ont fait leur mue.

Ils ont redécouvert une forme d’expression directe, un dessin brut qui les a reconnectés à l’essence même de leur geste.

À tel point que cette expérience produit depuis lors, un écho durable dont il est impossible de mesurer l’onde de choc, même après 2 années de recul.

Ça questionne et ça agit durablement.

Cette expérience a été documentée dans un film réalisé par Marc Azéma, spécialiste de la Préhistoire qui a accompagné la joyeuse équipée.

Rupestres! (c’est le titre du film et le nom qu’ils se sont donnés) sortira en salle le 12 février et je vous conseille d’aller le voir, s’il passe à côté de chez vous !

Cliquez sur l’image pour voir la bande annonce 👇

 

Le groupe des RUPESTRES ! De gauche à droite: Pascal Rabaté – Troubs – David Prudhomme – Etienne Davodeau – Edmond Beaudoin – Emmenuel Guibert – Chloé Cruchaudet

Alors si même des dessinateurs aguerris puisent l’inspiration à la source du dessin, là où tout à commencé… Pourquoi pas vous ?

 

📌 Une inspiration pour votre pratique ?

Entendons-nous bien: je ne vous propose pas d’abandonner l’apprentissage académique pour dessiner sur un mur bosselé avec un morceau de charbon. Je vous suggère de nourrir votre apprentissage d’une approche plus intuitive.

Voici quelques pistes à tester :

1️⃣ Faites un échauffement libre : Avant une séance de dessin, lancez-vous dans 5 minutes de dessin gestuel, sans viser un “beau” résultat mais pour écouter vos sensations.

2️⃣ Dessinez avec un médium inconnu : Changez de support, fabriquez-en vous même. Utilisez des outils inhabituels (craie, fusain, encre soufflée). Laissez-vous surprendre et apprenez à accompagner ce qui se présente.

3️⃣ Transformez une étude en dessin spontané : Prenez un dessin académique et réinterprétez-le en changeant les codes techniques.

 

Le vrai bénéfice: prendre des informations à côté desquelles vous passez trop facilement.

Car vous êtes encombrés par des attentes trop nombreuses.

Et pourtant…

🚀 Quand on arrête de juger son dessin en permanence, on progresse plus vite:

  • on multiplie les essais
  • on est à ce qu’on fait
  • on se libère de la peur de l’échec


Comme Pascal, vous êtes plus attentif, plus productifs et plus épanouis.

Et si, cette semaine, au lieu de vous plier aux figures imposées, vous remontiez, vous aussi, le cours de votre pratique pour retrouver le premier dessin ?

 

👋 C’est tout pour aujourd’hui, c’était la 57ème édition de la BOBINE, la newsletter d’Un Autre Atelier, qui vous accompagne un vendredi sur deux dans votre pratique du dessin. Si vous voulez recevoir La Bobine, vous pouvez vous inscrire ici 

Laurent 

PS : Si vous vous voulez explorer votre grotte intérieure (sans lampe frontale ni combinaison de spéléo), sachez que notre plateforme de cours est là pour ça. On y apprend à dessiner mieux, mais aussi à dessiner plus librement 🌈

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Et pas d’inquiétude, nos exercices ne nécessitent pas de peindre à la bougie dans une caverne préhistorique. Mais rien ne vous empêche d’essayer 😉

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