Le défi de la simplification en dessin

Et si la faculté de dessiner ne consistait pas à tout voir, mais au contraire à voir moins ?
Et si nous faisions le deuil de ces détails auxquels notre œil s’accroche éperdument, en pensant devoir tout relever ?

En dessin, il est impossible de tout dire.
N’essayez pas, c’est une perte de temps.
Comme le dit le bon sens commun : « Le diable est dans le détail ».

la tentation de tout informer

Cependant, renoncer à tout informer n’est pas facile.
L’œil se comporte naturellement comme un boulimique insatiable, se servant allègrement dans l’abondance de ce qui lui est proposé.

Il répond à toutes les sollicitations sans faire de tri, ce qui génère une surenchère d’informations visuelles.
Cette accumulation trouble la clarté de l’observation.

Ainsi, il arrive parfois que plus vous regardez, moins vous voyez.

Un tel désordre visuel provoque un sentiment de limitation, rendant la tâche du dessin presque insurmontable.

En effet, la surabondance sature la rétine et occulte le regard.

Trop voir empêche d’observer.

un regard efficace est un regard sélectif

Le dessin est avant tout une affaire de regard, et celui-ci doit être sélectif.
Il ne relève que ce qui est utile et nécessaire à l’élaboration de votre réalisation.
Cela est particulièrement important au moment où vous commencez votre dessin.

Mais alors, quel regard adopter pour mettre de l’ordre dans la multitude d’informations qui agace la rétine et désoriente l’esprit ?

L'exemple de l'arc de triomphe emballé

Nous avons récemment eu une proposition intéressante sous les yeux.
En septembre dernier, une œuvre posthume et éphémère du couple d’artistes Christo et Jeanne-Claude a été réalisée : l’emballage de l’Arc de Triomphe sous 25 000 m² de bâche polypropylène.

Dérober tout en désignant

Le caractère monumental de la réalisation affole les chiffres : 25 000 m² de tissus et 3 000 mètres de corde déployés durant des semaines de préparation par 95 cordistes, pour un coût de 14 millions d’euros, entièrement pris en charge par des fonds privés.

Une telle empreinte posée dans l’espace public a naturellement suscité des réactions contradictoires, comme à chaque intervention du duo d’artistes depuis les années 60.

Quel rapport avec le dessin, direz-vous ?

Cette œuvre, ou plutôt sa forme, a quelque chose à nous dire concernant le regard que nous activons au moment de dessiner.

Car c’est bien notre regard qui est sollicité à travers cet emballage XXL, qui consiste à dérober l’Arc de Triomphe à la vue, tout en désignant son imposante présence.

La simplification entre mémoire et invention

Alors, que reste-t-il du monument que nous connaissons, une fois dissimulé sous une peau de polypropylène ?

Pas grand-chose, pourrait-on dire, dès lors qu’aucun détail n’est perceptible sur ce paquet géant.

Pourtant, l’essentiel demeure, car la silhouette blanche continue de tenir sa place.

Les dimensions et les proportions n’ont pas changé, de même que l’arche centrale, caractéristiques du monument.
Malgré la perte d’informations, il en reste assez pour que nous reconnaissions l’Arc de Triomphe.
Cependant, il n’est ni tout à fait absent ni parfaitement intègre.

Voir moins pour mieux dessiner

souvenir et élaboration

L’intervention de Christo et Jeanne-Claude fige l’édifice entre deux états : celui du souvenir de l’objet habituellement là, et celui de l’esquisse d’un Arc de Triomphe en devenir, un possible.

C’est un peu comme si l’acte d’emballage le tenait suspendu entre ce qui est et ce qui pourrait être.
Et c’est exactement dans cette zone que le dessinateur opère, entre la mémoire de ce qui est perçu et l’élaboration d’une représentation à naître.

En observant l’Arc de Triomphe emballé, on pourrait dire qu’il ressemble fort à l’ébauche du monument, tracée par un dessinateur averti qui convoque un regard de type enveloppant et non scrutateur : l’ensemble avant le détail.

La construction d'un dessin : une simplification progressive

Ce qui demeure de l’édifice se résume en quelques volumes simplifiés, sous-tendus par des axes marqués par les cordages qui traversent le monument.
Des lignes verticales, horizontales, obliques qui découpent et structurent la forme.
Nous voyons l’expression d’une masse compacte qui engage la lecture des objets environnants en termes de masses, comparables à celle-ci.

Le vocabulaire en place se rapproche en tout point de celui convoqué dans la première étape du dessin, que nous appelons « construction ».

C’est un travail qui consiste à englober, regrouper, synthétiser.

Simplifier pour mieux dessiner

Il en surgit des formes basiques qui ne sont pas encore une représentation du sujet.

Elles forment une hypothèse de ce que pourrait être le dessin.

Si passer par cet état du dessin est indispensable, il est parfois difficile de s’en convaincre, tant on est pressé d’aboutir à l’image.

Cette vision éphémère de Paris, ce fantôme de l’Arc de Triomphe, nous rappelle que chaque objet peut être contenu dans une forme qui l’englobe.

Sa présence réside avant tout dans ses volumes, ses proportions et la manière dont ils occupent l’espace.

Alors, au moment d’entreprendre un dessin, pensez à l’Arc de Triomphe emballé.

Au lieu de vous arc-bouter sur des détails, posez une membrane sur l’objet de votre observation.

Demandez-vous quelle serait la forme du paquet qui le contient. Adoptez un regard enveloppant et dessinez comme si vous n’aviez que du tissu et des cordes à votre disposition. Faites apparaître le fantôme de la forme au lieu de la détailler.

Vouloir tout voir et tout dessiner fait de vous le jouet de votre rétine.

Voir n’est pas observer. Épurez votre perception, et vous serez à même d’y mettre l’ordre qui vous manquait.
Vous deviendrez ainsi le maître d’œuvre de votre dessin, et non son simple exécutant.

Décidément, le dessin est une activité emballante !

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